La semaine du numérique
En cette semaine spéciale où le numérique est mis à l’honneur, j’ai envie de vous raconter une histoire, mon histoire.
J’avais 12 ans lorsque j’ai eu mon premier téléphone. Il s’agissait d’un téléphone sans aucune adaptation. Il possédait des touches grâce auxquelles je pouvais composer le numéro de mes amis les plus proches, appeler ma famille. J’avais en mémoire une quinzaine de numéros, je connaissais par cœur les menus de l’appareil.
À l’époque, je vivais encore chez mes parents, c’est donc naturellement que je leur demandais de me faire la lecture des SMS que je recevais.
Jusqu’au jour où, un soir, alors que je ne m’y attendais pas, je reçu le message suivant : « Salut, c’est Clara. Tu es mignon. Tu me dis quand demain tu arrives à l’école ? » Comme ce fut gênant. J’étais rouge comme une tomate. S’ensuivirent des dizaines de questions de ma famille, auxquelles je ne voulais pas répondre, mais auxquelles je ne pouvais pas échapper ! À 12 ans, avoir un jardin secret est important et l’accès à ce jardin m’était impossible. Bonjour l’intimité !
Suite à cette soirée, j’ai acquis un téléphone adapté au public déficient visuel : un téléphone à touches muni d’une synthèse vocale. Il avait cependant un énorme défaut : il était très moche. Dans la cour de récréation, lorsque mes amis me demandaient si j’avais un téléphone, je répondais que non, que je vivais à la campagne … Sortir ce téléphone dans la cour de récréation équivalait à écrire sur mon front « je suis déficient visuel ». J’étais cependant très content de ce téléphone. Il était très pratique, je pouvais enfin libérer ma mémoire des numéros de téléphone et surtout je pouvais garder pour moi les messages de mes camarades de classe.
Quelques années plus tard, ce téléphone a cessé de fonctionner. Naïvement, je suis allé dans un magasin de multimédia et j’ai demandé un téléphone à touche muni d’une synthèse vocale. Surpris, le vendeur m’a répondu que les téléphones à touches n’existaient plus et que maintenant tout était tactile ! Je suis sorti du magasin les mains vides, frustré. Une question tournait sans cesse dans ma tête : « Comment moi, qui suis déficient visuel, vais-je pouvoir utiliser quelque chose de complètement tactile » ? Pour moi, cette situation était totalement contradictoire.
C’est alors qu’un ami m’a appris qu’il y avait une « voix » dans l’iPhone. Ensemble, nous avons cherché comment utiliser VoiceOver. Il m’a prêté un iPhone pendant quelques mois et petit à petit je me suis habitué aux gestes, j’ai compris le fonctionnement de la synthèse vocale et j’ai découvert les nombreuses fonctionnalités de l’appareil. Non seulement je pouvais téléphoner, mais aussi aller sur internet, envoyer des messages, mais surtout utiliser le même téléphone qu’une personne parfaitement voyante. Avec ce smartphone j’avais accès à la plus grande bibliothèque du monde.
Ensuite, les applications spécifiquement étudiées pour le public déficient visuel sont apparues sur le marché. On peut aujourd’hui reconnaître un objet avec son iPhone, obtenir de l’aide à distance grâce à l’application « Be My Eye »s, lire un livre dès sa sortie comme n’importe quelle personne voyante, utiliser le GPS pour parcourir un trajet inconnu, être averti lors ce que nous devons descendre du bus, les possibilités sont infinies !.
C’est incontestable, les nouvelles technologies ont littéralement bouleversé notre quotidien.
Elles sont un véritable facteur d’inclusion.
Et demain ?
Depuis quelques années, les objets connectés arrivent dans nos maisons. Ces objets simplifient encore davantage le quotidien des personnes déficientes visuelles. Aujourd’hui, mais ce sera encore plus le cas demain, il est possible de parler avec un « assistant vocal » et de lui demander de lancer le lave-vaisselle, de commander de l’eau pétillante ou encore d’allumer une taque à induction.
Demain, voyants et non-voyants seront technologiquement sur le même pied d’égalité.
Les nouvelles technologies contribuent à changer le regard sur le handicap visuel.
Enfin, je termine mon récit par une citation de Steve Jobs : « L’ordinateur est le vélo de l’esprit ».
Vincent, formateur en nouvelles technologies
Photo : © CRETH