“Changer le regard sur le handicap et accompagner les personnes déficientes visuelles sur le chemin de l’autonomie, c’est le défi que lance la Fondation I See ”
- Frédéric Storme -

Comment l’intelligence artificielle pourrait-elle chambouler le quotidien d’une personne déficiente visuelle ?

Lorsque l'on parle de nouvelles technologies, la notion d'intelligence artificielle est de plus en plus souvent évoquée. Qu'est-ce que l'intelligence artificielle exactement ? Comment peut-elle influencer l'accessibilité et le quotidien d'une personne déficiente visuelle ?

Lorsque l’on parle de nouvelles technologies, la notion d’intelligence artificielle est de plus en plus souvent évoquée.

  • Qu’est-ce que l’intelligence artificielle exactement ?
  • Comment peut-elle influencer l’accessibilité ?
  • Quel impact peut-elle avoir sur le quotidien d’une personne déficiente visuelle ?

Vincent, passionné de nouvelles technologies et formateur pour la Fondation I See, s’est prêté au jeu et a répondu à ces questions, tout en nous livrant son idée du futur avec les intelligences artificielles.

La notion d’intelligence artificielle n’est pas nouvelle. C’est en 1950 qu’elle apparaît pour la première fois, et ce, dans le livre du mathématicien Alan Turing. L’intelligence artificielle est un ensemble de procédés techniques qui permet aux machines, robots ou ordinateurs, d’imiter l’intelligence d’un être humain.

Aujourd’hui, les plus grandes entreprises du monde, actives notamment dans le secteur des nouvelles technologies, travaillent sur l’intelligence artificielle. En effet, celle-ci se retrouve dans un grand nombre d’applications et d’éléments de notre quotidien. 

Camfind, une application capable de reconnaître des objets, fait preuve d’intelligence en interprétant ce qui a été pris en photo : une bouteille de coca par exemple.
Si Siri est capable d’interagir de façon parfois impressionnante, c’est également parce qu’il est doté d’une intelligence artificielle.

L’accessibilité

On retrouve effectivement l’intelligence artificielle dans le domaine de l’accessibilité. 

C’est grâce à elle que sur Facebook, VoiceOver est capable de décrire les photos, d’énoncer s’il s’agit d’un paysage, de personnes, d’animaux, etc. 

L’intelligence artificielle apportera également son lot d’innovation en ce qui concerne les lecteurs d’écran, elle fera reculer le manque d’accessibilité de nombreux site internet. Aujourd’hui, quand un site ou logiciel n’est pas accessible, il est impératif de réaliser un travail d’étiquetage des boutons. Demain, les lecteurs d’écran seront capables d’interpréter par eux même un grand nombre de choses, ils seront capables de détecter sans manipulation supplémentaire qu’elle est l’utilité du bouton, et ce en déterminant dans quel contexte nous surfons sur la page.

Il nous est aussi déjà arrivé à tous d’appeler notre opérateur TV, car notre box ne fonctionne plus correctement. Dans bien des cas, nous ne pouvons pas réaliser les manipulations que notre interlocuteur nous invite à réaliser, car ses explications sont trop visuelles. Demain, le système de gestion des appels sera capable d’interpréter, grâce à une série de données, que la personne au bout du fil est déficiente visuelle. L’interlocuteur, agent du support technique, verra apparaître sur son écran des explications adaptées au handicap de chacun. 

La robotique

Quand on parle d’intelligence artificielle, on ne peut s’empêcher de penser à la robotique. Je me rappelle d’ailleurs d’une expérience qui m’a fort marquée.

L’année dernière, en France pour un colloque sur la diffusion des aides techniques, j’ai assisté à la présentation d’un robot qui s’adresse aux personnes ayant des problèmes cognitifs. Son but est d’inviter la personne déficiente à ne pas oublier de s’hydrater et même dans certains cas à l’obliger fortement à boire.
Dans le scénario présenté, on imaginait le robot comme seule compagnie d’une personne âgée. Cette dame âgée discutait avec le robot. En lui posant une série de questions, celui-ci pouvait déterminer quand elle devait boire et l’incitait à le faire.

Cette présentation fut impressionnante. À peine terminée, j’ai tout de suite souhaité essayer. Le robot m’a posé une série de questions auxquelles je répondais et moi aussi je lui posais une série de questions auxquelles il répondait et il arrivait toujours à se démener pour que je prenne la décision de boire.

Cela me laisse penser qu’à long terme, la robotique sera de loin plus efficace que l’homme et donc à son service.

Le secteur professionnel

Certaines études montrent que le taux d’inoccupation professionnelle chez les personnes en situation de handicap est deux fois plus élevé que la moyenne. L’intelligence artificielle peut contribuer au développement des compétences professionnelles et donc avoir un impact sur l’embauche inclusive.

Dans un certain nombre de domaines, comme par exemple les langues ou les matières scientifiques, se former lorsque l’on est déficient visuel peut s’avérer être un véritable défi, et ce, pour deux raisons principales :

  • Il existe un problème d’accessibilité relatif au support de cours ;
  • Les explications données par les professeurs ne sont pas toujours accessibles car la façon de résonner diverge.

Il nous est difficile par exemple de résonner à partir de schémas. Ces problématiques demandent donc aux formateurs de réaliser une adaptation, ce qui n’est pas toujours simple lorsqu’un grand nombre de participants suit la formation.

Depuis longtemps, la tendance est de rentabiliser les coûts de formation en organisant des programmes qui conviennent au plus grand nombre. Aujourd’hui, on tend de plus en plus vers la personnalisation de la formation avec comme objectif final une progression toujours plus importante des compétences des employés. Il est cependant impossible de mettre un formateur à disposition de chaque employé. Nous ne sommes pas égaux face à l’apprentissage.

C’est dans ce contexte que l’intelligence artificielle contribue au développement des compétences professionnelles. Il existe désormais des solutions comme l’« adoptive learning ». Cette technique consiste à pousser la personnalisation à son maximum. On pourrait imaginer une plateforme de cours en ligne qui analyse le comportement de l’apprenant afin de lui proposer du contenu adapté à son profil. En analysant les résultats au fur et à mesure des cours, on pourrait ajuster le niveau des cours en fonction des difficultés rencontrées et du rythme de l’apprenant.

Pour arriver à ce résultat, il est indispensable que l’accessibilité numérique soit une préoccupation fondamentale de chaque acteur travaillant dans le secteur de la déficience visuelle. Une formation personnalisée permettrait à chaque personne déficiente visuelle de développer ses compétences et de plus facilement développer son potentiel qui est actuellement trop peu utilisé.

L’inaccessibilité à internet reculant et les compétences des personnes déficientes visuelles augmentant, la barrière du handicap s’estomperait peu à peu.

Et demain ?

Un robot, grâce à l’intelligence artificielle, est capable de traiter une série de données dans un temps très court. On peut donc penser, qu’à terme, toutes les tâches de productivité et d’efficacité seront remplacées par des robots, ce qui donnera vie à de nouveaux métiers dont on ne soupçonne pas encore l’existence.

Demain, la tendance va s’inverser. Il ne s’agira plus d’être efficace ou performant. La notion de performance sera tout autre.

Demain, ce qui sera déterminant ce sera notre capacité à trouver au fond de nous ce que nous sommes vraiment, d’aller chercher en quoi nous sommes différents des autres, de ne pas chercher à ressembler aux autres, mais de mettre en avant la différence qui nous accompagne. Dans certains cas, le handicap sera un atout.

Demain, toutes les tâches répétitives comme par exemple l’encodage dans une base de données, seront effectuées par un robot. Une plus grande importance sera donnée à notre capacité à communiquer, à convaincre, à amener des idées sous un angle différent.

La personne voyante peut avoir du mal à convaincre si elle s’aperçoit que son public ne réagit pas positivement. La personne déficiente visuelle, elle, ne s’en apercevra pas. Elle aura donc moins le trac, et continuera à développer son idée jusqu’à dévoiler l’innovation du produit qu’elle vend par exemple. Son idée pourra convaincre, elle la dévoilera avec toujours autant de force car elle n’aura pas vu que pendant les 3/4 de la démonstration le public n’aura pas été attentif. Nous ne pouvons pas jouer du regard pour communiquer de manière efficace, mais par contre l’intonation et l’énergie que nous mettons dans notre voix sont d’une importance capitale.

J’en suis convaincu, l’intelligence artificielle va remettre l’humain au centre des préoccupations. N’oublions pas que le plus grand capital d’une société, c’est l’être humain. Demain, « qui nous sommes » sera plus important que ce que l’on fait ou que ce que l’on n’est pas en mesure de faire.

Vincent, formateur en nouvelles technologies

En rapport avec cet article:

De l’aide ou des infos?

contact@fondationisee.be
0475/22.22.02

Témoignage de Florence

Témoignage de Florence

Florence est chercheuse en sciences humaines pour le projet européen INSPEX H2020 mené notamment par le CRIDS (Centre de Recherche en Information, (…)


Témoignage de Florence